Attention aux pièges du partage des dépenses dans le couplePublié le 21 mai 2024
C’est une question délicate, mais il faut en parler. Les finances dans un couple constituent une potentielle source importante de conflit. Les études montrent d’ailleurs qu’une bonne proportion des divorces est attribuable à des chicanes causées par l’argent. Évidemment, un niveau d’endettement élevé et une façon différente de concevoir la place de l’argent dans la vie sont des éléments fondamentaux qui peuvent être une source de conflit, mais d’autres situations sont plus subtiles.
Je parle notamment d’un partage inéquitable des dépenses. Prenons l’exemple fictif d’un couple où l’une des deux personnes gagne 150 000 $ et l’autre 75 000 $, où les apparences peuvent être trompeuses.
Donc, pensez-vous que si l’une des deux paie les 2/3 des dépenses et l’autre 1/3 est équitable ? Et que le piège du 50-50 est évité ? Même si la personne qui gagne plus « comprend très bien la situation », puisque les salaires ne sont pas égaux ?
Même si ces montants, après impôts, sont de 95 777 $ et de 50 020 $ ?
Imaginez par exemple que la personne qui gagne 50 020 $ après impôts bénéficie d’un régime de retraite à son travail.
« Mais je n’ai pas le contrôle là-dessus, il est obligatoire. Ça ne me donne pas d’argent disponible. Ils me gardent 6 % de mon salaire et l’employeur cotise le double », pourrait-elle dire.
Et imaginons que l’autre, qui gagne 95 777 $ après impôts, n’en a pas, mais profite d’une meilleure assurance collective. « On prend son assurance-médicaments familiale, qui vient avec un petit avantage imposable », serait-il tentant d’affirmer.
C’est donc cette personne qui paie pour l’assurance familiale.
Mais attendez… Ç’a apparaît où, dans les calculs, 300 $ par mois pour l’assurance collective de l’une et 1125 $ pour le régime de retraite de l’autre ? Ce n’est quand même pas rien.
La personne qui gagne plus devrait cotiser à un REER pour compenser le régime de retraite de l’autre.
Aussi, imaginons que la personne dans le couple qui gagne 150 000 $ doit payer une pension alimentaire pour ses deux enfants qu’elle a en garde partagée.
Considérons que cela est une dépense « individuelle ». Est-ce équitable pour autant puisque c’est la loi qui l’oblige à payer ce montant ? À cela, il faut ajouter les autres dépenses pour les enfants.
« Comme la pension, ce sont ses dépenses personnelles. Ce n’est pas mon problème. De toute façon, il reçoit 2000 $ par année en allocations du fédéral et du Québec », pourrait soumettre l’autre personne du couple, qui gagne 75 000 $.
Peut-on vraiment considérer que ce type de dépenses est un choix ? Et au passage, si l’autre parent des enfants, l’ex, gagne 50 000 $ par année, ce n’est pas son revenu qui compte dans le calcul des prestations pour enfants. C’est celui à 75 000 $. Mais ça, c’est une autre aberration fiscale. N’en demeure pas moins que cet écart de revenus fait perdre 700 $ par année en allocations au parent qui doit payer la pension.
Et en tenant compte de tout, dont la pension alimentaire de 15 000 $ par année et les dépenses pour les enfants, il reste moins d’argent à la personne qui gagne 150 000 $ que celle qui en gagne 75 000 $.
Est-ce que ça vaut la peine de revoir le « volet des enfants » ? À vous de voir… Mais ça pourrait valoir la peine de revoir votre « sens de l’équité », et, par conséquent, de revoir votre entente.
Par hasard, en plus, si c’est la personne à 75 000 $ qui est propriétaire et qui paie la maison, alors que celle à 150 000 $ paie l’épicerie et les « autres dépenses de consommation », alors là, je voudrais bien parler à cette dernière.
Parce que sans le savoir, du moins je l’espère, elle est en train de se faire flouer. Il faut vraiment rediscuter du partage des dépenses et ensuite passer chez le notaire pour signer une entente de vie commune. Ça presse!