Des prêts personnels chez Postes Canada?Publié le 10 novembre 2022

20 oct 2022
Par Dominic Cyr
En octobre 2022, un nouveau service financier a été rapporté dans l’actualité et dans les différents comptoirs postaux sous forme de feuillets: le Prêt MonArgent de Postes Canada, remis par la TD. Intervenant en consultation budgétaire depuis 2018 auprès des personnes qui vivent des difficultés financières, je me suis donc posé la question: “Est-il approprié pour une société d’état de faire la promotion de prêts personnels auprès des consommateurs? ».
Postes Canada offre déjà des services financiers : transferts d’argent, cartes de débit prépayées, recharges pour les téléphones cellulaires et de comptes prépayés numériques. À cette offre s’ajoute maintenant les prêts personnels afin de bonifier leur offre de services financiers. Les prêts personnels répondent aux besoins des consommateurs avec un dossier de crédit qui présente une bonne solvabilité et un certain niveau de connaissances en littératie financière. Je questionne cette initiative principalement sur la protection des informations personnelles remises au comptoir, la compétence de Postes Canada pour accompagner certaines personnes en situation de surendettement ou de vulnérabilité, la facilité d’accès pour les personnes qui n’ont pas de dossier de crédit établi et certains enjeux en littératie financière.
Les campagnes de sensibilisation à la protection des informations personnelles et financières, au vol d’identité et à la fraude sont nombreuses. Les demandes de prêts MonArgent peuvent se faire en ligne sur le site web de Postes Canada, tout comme à un comptoir de Postes Canada. Bien que la société traite une importante quantité d’informations personnelles chaque jour, les consommateurs de ce service au comptoir n’exposent-ils pas leurs informations personnelles à risque dans des endroits souvent très achalandés? Seront-ils questionnés à haute voix concernant leur situation personnelle et financière? Les consommateurs sont responsables de leurs choix et devront agir de manière à protéger leurs informations personnelles. Mais de quelle manière Postes Canada assure la protection des renseignements personnels portés à son attention à titre d’intermédiaire de produits financiers?
Lors d’une demande de crédit en institution financière, les consommateurs peuvent poser toutes leurs questions à une personne qualifiée qui peut répondre sur la base d’une expertise et de l’accès à un réseau de professionnels. Alors que tout prêteur évalue la solvabilité d’un demandeur de prêt personnel selon les informations divulguées et son dossier de crédit, le consommateur a la responsabilité d’évaluer sa capacité financière avant d’obtenir un nouveau prêt. Mais est-ce que les employés de Postes Canada ont reçu la formation nécessaire pour répondre adéquatement aux questions des consommateurs qui auraient davantage besoin de conseils budgétaires et financiers relativement à leur demande de prêt? Les employés de Postes Canada pourront-ils répondre adéquatement à une personne en situation de surendettement ou qui fait face à une incapacité budgétaire à payer les besoins essentiels? Pourront-ils faire les références appropriées en cas de refus?
Lorsqu’un consommateur se présente en institution financière, il peut s’attendre à recevoir des conseils financiers professionnels. Lorsque celui-ci communique avec une ACEF ou un organisme en défense de droits, il peut s’attendre à obtenir les services d’aide, d’information et de référence en matière de droits des consommateurs, de consultation budgétaire et d’éducation financière. Mais lorsqu’un client choisit de présenter une demande de prêt à un comptoir de Postes Canada, est-il dans le meilleur intérêt du consommateur qu’il puisse présenter une demande de prêt sans recevoir préalablement l’accompagnement nécessaire à l’évaluation de sa capacité budgétaire? Le consommateur est-il informé de manière à faire un choix réfléchi avant de présenter une nouvelle demande de crédit? Sera-t-il référé en cas de refus?
Il a été nommé dans l’actualité que ce prêt pouvait répondre aux besoins de nombreuses personnes, mais aussi aux personnes qui n’ont pas de dossier de crédit établi. Est-ce qu’une personne qui n’a pas encore de cote de crédit a reçu l’information nécessaire pour une prise de décision éclairée? Est-ce qu’un prêt personnel constitue le meilleur produit financier pour quelqu’un qui n’a pas de dossier de crédit établi? L’accès au crédit pour les personnes qui profitent de bonnes connaissances en littératie financière peuvent faire des choix réfléchis qui peuvent faire partie d’une stratégie de bonne gestion du crédit. Mais avec un ratio d’endettement des ménages de 181,7% par rapport au revenu disponible au Canada, avons-nous les moyens de prendre des décisions financières à la légère?
Sur le site de Postes Canada, on peut lire : « Il vous suffit de quelques minutes pour faire une demande en ligne et commencer à bâtir votre avenir financier ». Quel avenir financier collectif pouvons-nous bâtir si certaines personnes n’ont pas le niveau d’éducation financière nécessaire à la compréhension des produits financiers qu’ils contractent et qu’ils ne reçoivent pas les recommandations nécessaires à l’amélioration de leur situation financière?
J’ai écrit à l’Agence de la consommation en matière financière du Canada pour leur faire part de mes réflexions et mes inquiétudes. On m’a indiqué que l’ACFC ne règlemente pas les questions d’ordre contractuel des banques, ni les décisions de collaborer avec d’autres organismes. On m’a proposé de m’adresser directement à Postes Canada, ce que je n’ai pas fait à ce jour.
Vous ne voyez peut-être pas d’inconvénient à ce que Postes Canada s’associe à la Banque TD pour remplir des demandes de prêts personnels. Reconnaissons toutefois que Postes Canada a la responsabilité de protéger les consommateurs à titre d’intermédiaire pour la promotion de prêts personnels au profit de la Banque TD. Souhaitons que la Société reste sensible à la protection des informations personnelles de ses clients auprès des employés, à la formation de leurs employés en matière de confidentialité et d’éducation financière, et de connaître les ressources communautaires et professionnelles afin de mieux intervenir auprès des personnes en situation de surendettement ou de vulnérabilité.
Si les sociétés d’état sont libres de leurs choix, les consommateurs de services financiers le sont aussi.